Aujourd’hui, on entend de plus en plus parler des perturbateurs endocriniens. Quelle est la particularité de ces polluants de l’environnement? Quel est leur lien avec la fertilité, et la santé en général ? Et surtout, comment en tenir compte pour booster la fertilité?
Les hormones et les glandes endocrines
Les hormones sont des substances chimiques biologiquement actives, synthétisées par des glandes, libérées dans le flux sanguin, et qui agissent à distance sur des récepteurs spécifiques d’une cellule-cible pour lui transmettre une information. Par exemple, l’ovaire sécrète des œstrogènes, qui ont différentes actions en fonction de l’organe-cible. Parmi bien d’autres bien nombreuses fonctions, ils font pousser l’endomètre en phase folliculaire du cycle menstruel en vue d’une potentielle fécondation puis nidation, ils agissent sur les seins (développement mammaire, préparation à la lactation), ils protègent de l’ostéoporose au niveau du squelette. Dans l’organisme masculin, la testostérone participe (entre autres) à une bonne spermatogenèse (processus de fabrication des spermatozoïdes). Il existe d’autres glandes endocrines : la thyroïde, l’hypophyse, le pancréas, etc. Les hormones agissent à concentrations extrêmement faibles et en coordination fine et précise les unes avec les autres ; leurs variations même minimes peuvent entraver le fonctionnement de cette machine bien huilée qu’est notre corps.
Les perturbateurs endocriniens, la santé et la fertilité
Les perturbateurs endocriniens perturbent, comme leur nom l’indique, l’équilibre hormonal de l’organisme. Les plus connus sont actuellement les phtalates, le bisphénol A et les dioxines, que l’on rencontre surtout dans les produits cosmétiques et les plastiques. Ces composés entrent dans notre organisme dès notre vie fœtale, alors que se forment tous les organes, impactant potentiellement notre fertilité future. La femme enceinte doit prendre toutes les précautions possibles pour préserver son bébé des polluants environnementaux. Plusieurs études (EWG3, Greenpeace) ont mis en évidence la présence de centaines de substances toxiques industrielles dans le sang du cordon ombilical de bébés à la naissance. Lors de la puberté et de l’âge adulte, la fertilité est la première impactée par l’exposition de notre organisme aux perturbateurs endocriniens [1].
Ces composés s’accumulent dans notre organisme, comme nous venons de le voir dès la vie fœtale ; ce sont des composés que notre organisme a du mal à éliminer, et souvent qu’il accumule, principalement dans les graisses (mais aussi les os et d’autres localisations). Ainsi, un régime avec perte de poids rapide entrainera un déstockage massif de ces molécules (par exemple les PCB et PFC), qui seront relarguées dans le sang à de fortes concentrations, avec de potentielles répercussions. De la même façon, pendant la grossesse, ces composés sont déstockés et transférées au fœtus en gestation. De plus, nos organismes (et donc ceux du bébé avant même sa naissance) sont quasiment toujours exposés à plusieurs de ces composés, dont on ignore tout de “l’effet cocktail” de leurs doses quotidiennes infinitésimales combinées et répétées sur des années. Aucun dosage sanguin de routine n’existe, et ils sont difficiles à étudier car nécessitent de longues études et que leur effet n’est pas forcément proportionnel à leur dose.
Les perturbateurs endocriniens et autres polluants environnementaux sont souvent les grands oubliés des consultations médicales (y compris les consultations pour infertilité), alors qu’ils peuvent affecter la santé en général, et la fertilité en particulier, de façon importante. Il est heureusement relativement facile d’en diminuer l’impact sur notre organisme avec des habitudes faciles et simples à mettre en pratique.
De nombreuses études sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur la fertilité… malheureusement
Parmi les (trop) nombreuses études existantes sur le sujet, j’ai sélectionné quelques études scientifiques pour vous montrer l’importance de ces molécules de notre quotidien sur notre santé :
– Dans une étude canadienne publiée en 2002, on a cherché la présence de contaminants environnementaux dans le sang, le liquide folliculaire (qui entoure l’ovocyte avant ovulation) et le sperme de 21 couples en traitement pour une FIV [2]. Sur ces 21 couples, 18 eurent une fécondation, parmi lesquels 3 couples obtinrent une grossesse. Il y a donc eu 3 couples qui n’eurent pas de fécondation. Des polluants environnementaux furent identifiés dans plus de 50% des prélèvements sanguins. L’étude a mis en évidence que plus de 50% des femmes admises en service d’AMP ont été exposées aux toxiques environnementaux, à tel point qu’il a été possible de les détecter dans leur sang et leur liquide folliculaire. Parmi ces contaminants, le p,p-DDE (produit de décomposition du DDT) a été le plus fréquemment détecté, avait les plus hauts taux résiduels et était associé à un échec de fertilisation. En effet, dans les analyses des couples ayant eu un échec de fertilisation, des taux supérieurs de contaminants toxiques ont été retrouvés, par rapport aux couples ayant eu un succès.
– Dans une étude américaine publiée en 2012 [3], l’équipe de chercheurs a voulu savoir si, chez 174 femmes en protocole de FIV, les taux urinaires de bisphénol A (BPA) étaient corrélés à la réponse ovarienne, à la maturation des ovocytes, les taux de fertilisation, la qualité des embryons J3 et l’obtention de blastocystes (embryons J5). Après ajustements statistiques, il a été mis en évidence l’existence d’une association significative proportionnelle à la dose entre l’augmentation des concentrations urinaires de BPA et :
– une diminution du nombre d’ovocytes obtenus (totaux et matures) ;
– une diminution de la fertilisation des ovocytes ;
– une diminution des taux d’oestrogènes (traduisant une fonction sécrétrice altérée des ovocytes).
Le nombre moyen d’ovocytes obtenus et d’ovocytes normalement fertilisés étaient diminués de 24 et 27% respectivement, entre le groupe avec les taux de BPA urinaire les plus élevés et le groupe ayant les plus faibles. Les femmes avec un taux élevé de BPA urinaire avaient également une diminution de la formation de blastocystes.
Il faut aussi souligner l’importance des toxiques environnementaux pour la fertilité masculine : les études confirment que le nombre de spermatozoïdes est en constante diminution dans le sperme des hommes, et que les facteurs environnementaux, tels que les pesticides, les xénœstrogènes (composés à action œstrogénique provenant de l’environnement) et les métaux lourds peuvent affecter négativement la spermatogenèse [4].
Pour résumer : l’essentiel
Les toxiques et polluants environnementaux impactent la fertilité en nous imprégnant dès la vie fœtale. En prenant les mesures nécessaires, on améliore notre fertilité mais on protège aussi la santé de nos enfants à venir, car c’est le fœtus, puis le bébé et le jeune enfant qui sont les plus vulnérables.
Avant le projet bébé, il faut réduire les sources d’exposition et surtout éliminer les toxiques accumulés dans notre organisme. Si le projet bébé est en route, on ne peut plus entamer de détox profonde, car cela nuirait au potentiel futur enfant, mais on peut toujours réduire au maximum ses sources d’exposition. Ces changements seront bénéfiques pour vous, votre partenaire, votre enfant à venir, mais aussi vos potentiels petits-enfants, puisque la fertilité de votre futur enfant (c’est-à-dire ses organes reproducteurs et ses gamètes, spermatozoïdes ou ovocytes) peut être affectée par les perturbateurs endocriniens à travers la future maman.
Sources :
[1] Infertilité – Prise en charge globale et thérapeutique, sous la direction de R. Frydman, éd. Elsevier Masson (2016).
[2] Younglai EV et al, Levels of Environmental Contaminants in Human Follicular Fluid, Serum, and Seminal Plasma of Couples Undergoing In Vitro Fertilization, Arch. Environ. Contam. Toxicol. (2002) ; 43 : 121–126.
[3] Ehrlich S et al, Urinary bisphenol A concentrations and early reproductive health outcomes among women undergoing IVF, Human Reproduction (2012) ; 27(12) : 3583–3592.
[4] Sinclair S, Male infertility : Nutritional and environmental considerations, Alternative Medicine Review (2000) ; 5(1) : 28-38.